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Évocation de mon père

Décédé le 24 juin 2013

vendredi 28 juin 2013, par Natalie Gandais

Les obsèques de mon père se sont déroulées le 27 juin dans l’église Saint Martial de Chateauneuf sur Loire.

Jacques Gandais, mon père, est mort dans la nuit de dimanche à lundi. Il avait 78 ans, il était malade depuis trois ans et demi.

Il était né le 20 octobre 1934 à Bois-Guillaume, en Normandie. Son père Lucien était couvreur, sa mère Simone travaillait « chez les autres » depuis l’âge de 14 ans. Jacques était l’aîné, il avait un petit frère qu’il aimait beaucoup, mon oncle Michel.

Fils d’ouvrier, il était devenu architecte, au fil du hasard et des rencontres.

Mon grand-père, couvreur, emmenait sa famille là où étaient les chantiers. Ils ont vécu à Tarbes puis à Albi où ils étaient au début de la guerre. En 42, ma grand-mère ayant appris que des familles suisses recevaient des enfants pour les mettre à l’abri des privations, il fut confié plusieurs mois à la famille Joggi, à Morat, près du lac, où il a découvert un tout autre milieu. Il est toujours retourné les voir.

La famille Gandais s’est établie à Fontenay sous Bois à la fin de la guerre, ils ont vu l’arrivée des Américains au bois de Vincennes. Jacques, sur les conseils de l’instituteur, est entré au collège de Nogent sur Marne. L’année du bac, tandis qu’il entamait une formation de dessinateur et que son père l’emmenait parfois travailler avec lui sur les toits, à l’occasion d’un chantier il a rencontré un architecte, Caplain. C’est lui, et son épouse, qui lui ont conseillé de préparer les Beaux-Arts et convaincu mes grand-parents.

A l’âge de 20 ans, pendant des vacances à Cap d’Ail, il a fait la troisième rencontre importante de sa vie, Madeleine Auvray, ma mère. Ils se sont mariés ici, dans l’église de Châteauneuf, en juillet 1957. Ils ont eu deux filles, ma soeur Catherine et moi. Nous venions ici en vacances, chez mes grands-parents, Georges et Lien Auvray. Où il retrouvait ses belles-soeurs et beaux-frères, Jo et Françoise, Pierre et Pierre, ses nièces et ses neveux. Il nous apprenait à faire du vélo sur la route de la plage, à nager dans la Loire. C’était un très bon père.

Pendants ses années aux Beaux-Arts, auprès de ses amis d’ateliers, des architectes mais aussi des peintres, des sculpteurs, il est devenu architecte et amateur d’art. Il nous a fait découvrir la beauté de l’art roman, l’espace, la lumière. Il nous a fait aimer la peinture moderne, admirer la sculpture. A la maison il nous apprenait les murs blancs et les taches de couleur qu’il composait avec les tableaux et les sculptures qu’il rapportait des expositions de ses amis. L’an dernier encore, il avait commandé une paire d’oiseaux de Loire à une amie sculptrice.

Depuis notre enfance il aimait la musique, et il nous apportait des disques, des chansons. Et l’opéra. Il était curieux de théâtre et de danse. Profitant d’un répit dans sa maladie, il y a trois ans il est retourné au festival d’Avignon où jouaient deux de ses petits enfants.

Il aimait la très bonne cuisine, une qualité qui lui est restée jusque sur son lit de mort ! Je me souviens de mes parents étudiant Curnonski dans l’appartement de la rue de Gribeauval où nous habitions. Je crois que je l’ai toujours vu participer à la préparation des repas. En tout cas après mai 68, avec une femme, deux filles adolescentes, et le féminisme qui progressait dans la société, il a de plus en plus mis la main à la pâte.

Jeune architecte, il a travaillé dans de grandes agences, Caplain, Starkier, ensuite il a monté ses agences avec des amis, Caillat, Dareau, c’était la rue d’Aligre, la rue Ferandi, la rue Mouffetard. Enfin il s’est installé seul, rue Didot puis dans son agence de Montrouge.

Un premier cancer l’avait un peu éloigné de ses réseaux professionnels, il a repris l’architecture quelques années, et pris sa retraite assez tôt. Depuis Montrouge, il a alors parcouru les musées, les églises et les cathédrales, les expositions, les jardins, seul ou avec son ami Guy. Il s’est occupé de sa famille, de ses petits-enfants Romain, Bérénice, Maxime, Arthur, Ephraïm qu’il emmenait avec Maman dans de grandes promenades, ici, ou en Bretagne chez Catherine. Il les emmenait aussi aux sports d’hiver, ou visiter des pays méditerranéens. C’était un très bon grand-père, qui a été souvent mis à contribution pour transporter les déménagements de ses petits-enfants au gré de leurs études. C’était aussi un bon fils et un bon gendre, aux petits soins avec mes grand-mères quand elles sont devenue très âgées.

Il y a une dizaine d’année, avec Maman elle aussi retraitée, ils se sont installés définitivement ici, devant la Loire. Transformant inlassablement le jardin, recomposant les massifs de fleurs jusqu’à la perfection qu’il avait atteint il y a deux ans pour la fête de fiançailles de l’ainé de ses petits-enfants avec Melike.

Ici, il a partagé avec les gens de la Loire la contemplation, la beauté de ce paysage, un si bel endroit pour finir ses jours.