Accueil > Thèmes > Alimentation soutenable > Être écologiste et vieillir heureux

Jeudi de l’Écologie - 26 janvier 2012

Être écologiste et vieillir heureux

Introduction à la table ronde Alimentation

vendredi 27 janvier 2012, par Natalie Gandais

Aujourd’hui, près d’un quart de la population française a plus de 60 ans et l’espérance de vie augmente régulièrement. La situation des personnes âgées est marquée par de fortes disparités sociales, qui placent les uns dans l’opulence extrême, les autres dans une grande pauvreté aggravée par la stagnation et la réforme des pensions...

... Les aînés ne sont pas, comme l’instillent certains discours, une charge pour la société ; ils sont un maillon important de la transmission de l’expérience collective et de la cohésion. Ils méritent mieux par ailleurs que le paternalisme et le clientélisme des petits cadeaux de certaines municipalités, qui entretiennent leur séparation d’avec la société et in fine leur solitude.
Ainsi, il convient de donner aux différents âges qui succèdent à la vie professionnelle la réponse adaptée et les possibilités de choix les plus ouvertes, afin aussi que toute la société fasse de cet âge de la vie une question de solidarité et d’attention à l’autre.

C’est pourquoi Europe Ecologie Les Verts organise, ce jeudi 26 janvier, à partir de 18h, à la mairie du 2e arrondissement de Paris (salle des Mariages), un Jeudi de l’écologie sur "être écologiste et vieillir heureux"

Introduction à la table ronde sur l’alimentation

Je remercie Jocelyne Le Boulicaut de prendre ainsi à bras le corps la question des personnes âgées, et d’intégrer la problématique de l’alimentation dans son programme pour bien vieillir. Le groupe de travail Alimentation a une petite longueur d’avance sur le groupe Vieillesse, avec le tract pour la campagne d’Eva Joly, qui donne les grandes lignes du programme en la matière.

Dans le programme général, nous abordons toutes les dimensions de l’alimentation : les liens avec l’agriculture, l’impact de notre consommation trop carnée sur les pays du Sud, l’impact du transport, de la conservation de la transformation sur le réchauffement climatique (le système alimentaire mondial est responsable de la moitié des émissions de gaz à effet de serre). On n’en reparlera pas ce soir, ça ne concerne pas spécifiquement les personnes âgées.

En revanche, nous disons que boire et se nourrir sont les premiers besoins fondamentaux. Pour vivre en bonne santé, il faut pouvoir s’alimenter suffisamment et « bien » : la nourriture est le carburant du corps ainsi que la source de la régénération des cellules. Que s’alimenter est aussi un plaisir, que le moment des repas structure les journées et la vie sociale, et là, ca concerne bien les personnes âgées, puisque pour certaines, faires les courses, préparer, prendre les repas est leur seule activité, et peut-être leur dernier plaisir .

Nous dénonçons les problèmes de santé (allergies, diabète, obésité, cancers, maladies cardio-vasculaires, carences...) liés à une alimentation mal équilibrée ou de mauvaise qualité : excès de sel, de sucre, de gras, de viande, de colorants et conservateurs, déficit de sels minéraux et de fibres, tous ces problèmes qui sont apparus avec l’industrialisation de la production, de la transformation et de la distribution. Nous dénonçons les lobbies de l’agro-alimentaire, des grandes surfaces, de la publicité, qui depuis l’après guerre sont parvenu à modifier profondément les comportements alimentaires, au détriment de la santé des personnes et pour le bénéfice de leurs actionnaires.

Toutefois, si les personnes âgées souffrent de carences spécifiques, est-ce que c’est lié à la malbouffe ?

Et puis, nous rappelons que les personnes aux revenus les plus modestes sont les plus touchées par les inégalités sociales de santé liées à l’alimentation. Les associations caritatives qui ont de fait la charge de nourrir les plus démunis doivent parer à la carence des politiques publiques. Cette question a fait l’objet d’une étude très importante, en 2004, l’étude ABENA, qui est LA référence en matière de comportements alimentaires et situation de pauvreté, mais l’étude ABENA fait volontairement l’impasse sur les personnes âgées, « qui font l’objet d’études spécifiques »…

J’ai donc fait une petite enquête biblio sur ces « études spécifiques ». Beaucoup de publications des associations.

En 2010, l’Uniopss-Uriopss (Union des associations de solidarité) titre sur Le retour de la pauvreté au grand âge. Après une amélioration constante des années 1975 à 2000, qui ont vu passer le taux de pauvreté des plus de 60 ans de 30% à 8 ou 9%, la tendance s’est inversée à la fin des années 90, et les associations sont les témoins de cette dégradation.

Les organisations d’aides alimentaires, dans leurs rapports annuels, depuis plusieurs années signalent l’arrivée des personnes âgées pauvres aux distributions de colis, aux soupes de nuits de l’Armée du salut, aux repas des Restos du cœur. On la entendu, notamment au moment de la réforme des retraites. L’Armée du salut alerte sur la dégradation des conditions de vie des personnes âgées les plus pauvres, dont les revenus ne suffisent plus à subvenir aux besoins vitaux, et s’inquiètent de la situation des sans –abris âgés.

En 2010, les Petits frères des pauvres s’indignent que les minima sociaux n’aient pas suivi l’évolution du seuil de pauvreté. L’ASPA (allocation spécifique personnes âgées) reste sous le seuil, malgré le rattrapage mis en place par le gouvernement, mais le minimum contributif (MICO) reste en dessous. Après les travailleurs pauvres, qui sont souvent des travilleuses pauvres, ils voient apparaitre les vieux pauvres, qui sont le plsu souvent des vieilles dames pauvres.

C’est aujourd’hui un million de personnes de plus de 65 ans vivent sous le seuil de pauvreté (900 euros)

Les pouvoirs publics, depuis 7 ou 8 ans, ont fourni pas mal d’études, aussi.

Le CERIN (centre de recherche et d’études nutritionnelles), en octobre 2004, sous le titre Alimentation et précarité : l’alimentation des personnes âgées, observe que les personnes âgées pauvres n’auraient pas les mêmes comportements alimentaire que les personnes pauvres plu jeunes, et ne recherchent pas les pizzas, sodas, plats prêts à consommer… Les observations des épiceries sociales vont dans le même sens. Est-ce que les personnes âgées ne seraient pas victimes de la malbouffe ?

Quand même, les aides ménagères observent que les dames âgées pauvres se nourrissent peu et pas très bien : biscottes beurrées, compotes, biscuits, quelques laitages dans la journée. Et je me souviens de cette caissière de Monoprix qui se moquait d’une vieille dame qui achetait du pâté pour son chat : « Celle là, elle n’a même pas de chat ! »

La région Rhônes-Alpes propose en 2006 une synthèse documentaire Nutrition des personnes âgées, elle observe que 30 à 50% des personnes âgées en institution souffrent d’une malnutrition protéino-énergétique, souvent pré-existante à leur entrée en institution, et en détaille les conséquences en termes de troubles de la santé, accentuant le processus de vieillissement. Des raisons telles que problèmes dentaires ou psychologiques sont invoquées…

Enfin, en 2011, le Crédoc enquête auprès des bénéficiaires de l’action sociale de la CNAV (Caisse nationale d’assurance vieillesse), et s’inquiète des restrictions qu’ils s’imposent en matière alimentaire, privilégiant les marques, magasins et produits à bas prix.

Du coup, le risque de dénutrition des personnes âgées fait désormais l’objet de campagnes d’information. Paul Scheffer, président de l’Association de diététique et nutrition critique, pourra nous dire ce qu’il pense de ces recommandations.

J’ai surtout parlé des personnes âgées pauvres, les « vieux » comme dirait Christophe Trivalle, gériatre à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif (qui interviendra tout à l’heure), qui les distingue des « seniors », ces personnes âgées aisées et en bonne santé qui sont sensées avoir les moyens (et les connaissances culinaires, gastronomiques) de se nourrir convenablement, de se faire aider ou d’aller dans des maisons de retraites chic…

Mais Jocelyne voudrait faire voter les seniors, il faut en dire quelque chose !

On peut évoquer la dimension sociale, le portage de repas à domicile, qui est une solution pour rompre l’isolement. (A Paris 13e par exemple, la facture varie entre 3,50 et 10 euros par jour, selon les revenus). Nos élu-e-s en charge des services de restauration à domicile témoignent de l’extrême importance que prend ce service dans la vie des gens, tant pour la visite quotidienne qu’elles reçoivent que pour discuter de la composition des menus, ou des conseils sur comment réchauffer ou assaisonner.

On peut évoquer la fréquentation des restaurants (y compris les restaurants sociaux, qui peuvent proposer des repas à 1,50 euros comme au Secours catholique Grenoble).

On peut évoquer la qualité de la restauration collective, et a contrario, constater à l’hôpital ou à la maison de retraite le désarroi des personnes âgées quand c’est pas bon, parce qu’ils sont plus réticents à changer leurs habitudes, à goûter des choses nouvelles, et à ingurgiter ce qui est mauvais ! Et souligner nos propositions en matière de réglementation de la restauration collective.

On peut parler de la dimension autonomie, quand les gens vieillissent, avec la difficulté pour aller faire les courses, les magasins de plus en plus loin, les courses de plus en plus lourdes…
Les personnes âgées disposant d’un jardin peinent à entretenir leur potager.

Et faire des propositions  : nous avons à Villejuif une association qui intervient dans les potagers des particuliers, et pour entretenir les arbres fruitiers. Toutes nos propositions sur les commerces et marché de proximité concernent particulièrement les personnes âgées, de même que nos propositions pour développer les activités de l’économie sociale et solidaire, les services aux personnes, l’aide à domicile y compris pour la préparattion des repas, multiplier les restaurants et épiceries sociales, prévoir la livraison de paniers de fruits et légumes.

Et bien sûr travailler sur les ressources des retraité-e-s  : selon les nutritionnistes qui se sont penchés sur l’alimentation des personnes pauvres, il faut au minimum 3,50 par jour pour se nourrir correctement, à condition d’être prêt à des changements importants d’habitudes alimentaires. 4 euros, c’est mieux, il faut s’assurer qu’elles en disposent.

Voilà les quelques pistes que je propose au débat.